RODEO A XXMIGLIA!

Publié le par Alain

carabinier.jpg

A veaux... l'eau!

 

           Le parking de la douane de Vintimiglia est adossé à l'embouchure de la Roya. Y transitent plusieurs dizaines de camions par jour. En particulier des véhicules de transport d'animaux vivants: veaux, porcs, moutons et autres... 
          Le brigadiere Scipion Pastopolli est responsable de l'ordre et de la sécurité. La cinquantaine ventrue, de taille moyenne, le cheveux noir et rare, la moustache fournie, le regard plutôt bienveillant, c'est un homme aimable, partisan convaincu du: « surtout évitons les problèmes ».Il arpente d'un pas nonchalant l'aire sur laquelle s'étend son autorité
           Bien qu'il conduise un imposant camion remorque Enzo n'est pas considéré comme un vrai routier. Il fait commerce d'animaux de boucherie vivants entre la France et l'Italie et convoie principalement des veaux depuis l'Auvergne. Enzo n'est pas aimé, le front bas sous des cheveux hirsutes et ''rouquinoïdes'', une face de gros goret au joues couperosées, sa suffisance, sa brutalité, sa méchanceté lui valent une place à part parmi les chauffeurs animaliers qui n'ont pourtant pas la cote auprès des routiers déplorant la façon dont sont traités les bêtes.
           Ces derniers jours de Juillet sont torrides. De Moscou à Lisbonne, toute l'Europe transpire. Les cabines sont surchauffées malgré les vitres grandes ouvertes. Tous les chauffeurs ont le bras gauche bien bronzé! (Sauf, bien sur, les anglais!) Dans les rares camions qui la possèdent la ''clim'' fonctionne à fond!.
            Le camion vert d'Enzo pointe son nez à l'entrée du parking. Le brigadiere Scipion s'approche, jette un regard dégoutté sur la bétaillère ou les veaux entassés n'ont même plus la force de meugler. « Enzo, parcheggierà i suoi vitelli accànto del pendio, in fondo al parcheggio. E dà loro di acqua! » (Va garer tes veaux à coté du talus, au fond du parking. Et donne leur de l'eau!) La réponse se veut goguenarde: « Tu crois, Scipion, que je vais me fatiguer et me salir pour ces bestiaux? » L'opinion du brigadiere se lit sur son visage: « Chiaro da qui! » (Dégage d'ici!).
            Son bahut rangé près du talus qui sépare le parking de la Roya, Enzo s'éloigne. Les veaux sont assoiffés, certains lèchent les barreaux de fer pour tenter de se rafraîchir!
             Lamentable spectacle que Lucca et Giorgio, (Cinquante ans a eux deux!), chauffeurs de camions-citernes ne peuvent supporter. « Lucca! Se, noi, si desse loro a bere? » (Si, nous, on leur donnait à boire?)
             Il faut à peine deux minutes pour sortir les manches des citernes, les brancher les unes aux autres puis sur une bouche à incendie: « Ouvre la vanne! » L'eau se met à couler avec force, Lucca a du mal à contrôler le jet! Il arrose en premier les veaux du camion.
             « Attenzione! Ecco Enzo! » Un Enzo pas content qui arrive en criant: « Basta! Stop! Fermate! » Sursaut de Lucca, le jet dévie et frappe l'arrivant en pleine poitrine. A partir de là tout va évoluer très vite! Enzo s'écroule en hurlant: « Aïuto! aïuto..(A l'aide!) Brigadiere... Pronto! ». L'eau ruisselle et transforme cette partie non bitumée du parking en marécage boueux. Les cris attirent le brigadiere Scipion et deux agents... Giorgio et Lucca décident de s'éloigner discrètement. Laissant la vanne ouverte, ils filent derrière la remorque suivis par Enzo.toujours criant! Le talus est glissant, pour éviter la chute Lucca s'accroche aux fermetures des portes, fait sauter la sécurité.
              Voulant la remettre en place, Enzo déclenche maladroitement l'ouverture, les veaux, assoiffés et excités par l'odeur de l'eau, pèsent sur la porte qui cède en grinçant! Une quinzaine de bêtes en profitent et sautent à terre. C'est le moment choisi par le brigadiere et ses deux agents pour arriver.
              Devant le désastre, le premier réflexe est d'aider à refermer la bétaillère! Les bottes bien cirées s'engluent dans la boue, les uniformes se souillent d'une terre noirâtre... « Enzo! Imbecille! Ti rammaricherai d'avere conosciuto io! » (..tu regretteras de m'avoir connu!)
              Profitant de cette escarmouche Giorgio et Lucca ont récupéré discrètement leur matériel et se sont empressés de disparaître! Les veaux, abreuvés, envahissent le parking au grand dam des voitures des douaniers dont les carrosseries ont un peu à souffrir du contact avec la viande sur pieds.
              Le brigadiere Scipion, ses deux agents et quelques chauffeurs volontaires se mettent à la chasse au bétail. Mais ils n'ont pas l'habitude des ''safaris-veaux''. La course aux bêtes se déroule entre les camions. Les veaux se conduisent comme de vraies petites vaches, plus d'un cows-boys amateurs apprend à ses dépens qu'un coup de tête, même sans cornes, c'est rude! Les veaux sont repris un à un, des planches posées à la hâte permettent à Enzo de les remettre dans la remorque.
             Quand les fugueurs ont tous été repris, la chasse a durée environ trois heures. Les chasseurs couverts de transpiration et de boue séchée sont épuisés. Le brigadiere laisse éclater sa colère. Muni de son stylo et de son calepin il énonce une longue liste d'infractions et déclare: « Tu me dois trente-cinq milles lires... a pagare immediatemente! » Furieux, Enzo s'exécute de mauvais gré. La casquette de travers, un semblant de sourire sous sa moustache Scipion Pastopolli conclut: « Pensi che lei paga la sua stupidita! Che non si fa caro del chilogramme! ».(Pense que tu payes ta stupidité! Et que ça ne fait pas cher du kilo!)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
La situation devait être cocasse! Mais effectivement, comment ne pas réagir pour soulager la souffrance d'animaux qui sont de toute façon voués à l'abattage un jour?<br /> Biz du Pays d'Auge<br /> Caro
Répondre
N
Ce texte est tristement joli...<br /> Mais tout ça c'était pour la bonne cause, les petits veaux avaient soif ...<br /> Grosses bises Alain<br /> N
Répondre
C
Enfin... j'arrive à accéder à ton texte... c'aurait été dommage de ne pas pouvoir car il est savoureux, mis à part la situation difficile des animeaux dans les camions et dont on ne s'occupe pas ou peu... mais le douanier Scipion fait bien payer le kilo de con-e-ie lol !!! Bises à toi Papa de Lili et prend soin de toi. Ta santé nous est précieuse...
Répondre
P
J'ai beaucoup aimé ce texte, et c'est vrai que la fin est savoureuse, ç'aurait été dommage de ne pas la comprendre !<br /> Gros bisous !! :0010:<br /> <br /> PS : message pour Madame ta Santé : "eh oh, c'est quoi ces vacances même pas posées ? Vous vous croyez où, là ? Allez, hop hop hop on reprend vite du service, on veut notre Papa de Lili en pleine forme, et vite !"<br /> Et tu me dis si elle t'embête encore, hein ? :-)
Répondre
F
Excellent, un vrai plaisir à lire, on s'y croirait. Une autre, une autre !
Répondre