VIRGILE ET IHAZINTU!

Publié le par Alain

undefined

Pareils où semblables?

''Papa'' Milezzoni travaille sous contrat avec plusieurs firmes du Bénélux et du nord de la France. Depuis quatre mois Paolo et moi roulons entre Rotterdam, Kortrijk (Courtrai), Valenciennes et l'Italie. Je découvre, dans son sillage, d'autres routes. On ne va pas à Rotterdam par le même chemin en partant de Marseille où de Milan.
Nouveauté: le col du Brenner. Nouveauté: l'Autriche, étonnant mélange de Baviére et de Piémont Italien, avec sa population souriante et aimable...
            Mercredi, petit incident. L'usine de Roubaix ou nous devions charger est en rupture de stock! Au Centre Routier de Lille-Lesquin nous déjeunons dans l'attente d'instructions. Comme d'habitude le repas est plutôt joyeux, on discute en regardant dehors les chauffeurs qui se hâtent pour se mettre à l'abri! Ce mois de Janvier est glacial.
            Soudain Paolo tressaille: « Per dio! Virgile! C'est notre correspondant à Lille! Un tipo strano! »(Un type spécial!)
            La porte du restaurant s'ouvre sur un grand gaillard qui ôte son bonnet, dévoilant une longue chevelure poivre et sel. Et qui s'écrie: « Je vous salue, gentes demoiselles et nobles seigneurs! ». Réponses dans la salle: « Salut Virgile! », « Ciao cavalière! », « Goedendag Monseigneur! (Bonjour monseigneur..) ».... Le regard passe sur la salle, s'arrête sur nous...
            Il s'approche et à Paolo: « Ciao bello! Suo padre mi ha detto che eravate qui! Ha telefonato les vostre istruzioni! » ( Salut! ton père m'a dit que vous étiez ici!. Il a téléphoné vos instructions.)
            Présentations: « Alain, la presento Virgile, un innamorato appassionato del Medioevo! (Je te présente Virgile, un amoureux passionné du Moyen-âge.) ».
Nos instructions sont simples: aller à Oostende chercher des balles de cordes pour une usine d'espadrilles à Mauléon... Nous bavardons un moment avec Virgile.
            Il fait parti d'une ''Confrérie des Chevaliers'' et connaît à fond la vie médiévale. Il en parle avec passion... Il nous montre des photos: en armure, avec son arbalète, au milieu d'autres amateurs dans un camp de tentes bariolées... On sent que sa vie est plus là que dans notre siècle! « Le Moyen-Age fut une période magnifique, les historiens commencent à peine de s'en rendre compte!... C'est l'époque ou un Chevalier pratique la fidélité, la générosité, le courage. Du paysan au Seigneur, la solidarité est entière! ».
              En évoquant ces siècles Virgile est comme transfiguré, ses yeux ne sont pas posés sur nous. Ils regardent le passé dont il se sent si proche. Il appartient à hier!
Virgile a été tellement disert que nous partons avec dans la tête des images de tournois, d'adoubements, de machines de siège. L'an Mil est en nous!...
              Oostende: les quais, les entrepôts. Trente-six balles de corde par semi, en route pour mille kilomètres. Il a neigé quand nous arrivons à Mauléon. Le froid ralentit le déchargement, nous ne repartons que vers dix-huit heures. Paolo a faim, pas de café ni de restaurant ouverts, juste, peu après la sortie de la localité, une épicerie-charcuterie et un petit parking.
              Dans la boutique, pendant que je me fais servir, Paolo tombe en arrêt devant une photo qui représente un groupe d'une vingtaine de gamins vêtus de maillots de sport rayés. « Ils sont beaux mes petits n'est-ce pas? » déclare le charcutier. « Vos petits? C'est une équipe de foot? » demande Paolo avec son accent italien.
-«  Non! C'est l'équipe de rugby. Vous connaissez le rugby? »
-« Pas trop, je suis plutôt calcio! »
-« Italien? Vous aimez le sport? Il faut que vous veniez voir l'entraînement! Vous avez bien quelques minutes? »
                Sans nous laisser le temps de parler, il enfile une canadienne, se coiffe d'un béret et nous guide vers un petit stade à cent mètres de là en disant: « Je m'appelle Ihazintu ». Sur la pelouse détrempée, éclairée par quatre pylônes, une trentaine de silhouettes de tous âge s'agitent. Les désignant d'un geste large il dit avec de la fierté dans la voix: « Mes petits... On leur a refait le stade: éclairage, deux vestiaires avec l'eau chaude aux douches... Maintenant ils vont gagner! »
               Je regarde cet homme qui doit avoir la soixantaine: son regard brille, sa voix est enthousiaste... C'est un vrai basque, le rugby vit en lui!
               De retour au magasin je vais pour régler, Ihazintu refuse: « Non, c'est un cadeau du pays du rugby au pays football! » Paolo se précipite au camion, il en revient avec une grande photo en couleur de l'Inter de Milan: « Un cadeau pour les petits! » La poignée de main est plus que chaleureuse.
               En descendant vers la vallée je pense à Virgile et à Ihazintu. Ces deux hommes si éloignés dans l'espace, si éloignés dans leur façon de vivre sont pourtant étrangement semblables. Une passion les habite.
               Arrivés à Orthez nous allons faire le plein. Pendant que le pompiste s'active, (On sert  encore les clients à cette époque!) je fais part de mes réflexions à Paolo.
            « Tu sais, me dit-il, nous sommes un peu pareil avec nos camions.... »
               Le gas-oil s'engouffre dans les réservoirs. De la main il caresse la carrosserie du Fiat comme on flatte un gros animal familier. Il sourit et en italien: « Vivère senza passione é realmente vivère? » (Vivre sans passion est-ce réellement vivre?)

undefined
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Encore de bien belles rencontres, même si ces personnes ne sont pas de la même planète au niveau des passions, la communication implique des moments de partage inoubliables!<br /> Biz du Pays d'Auge<br /> Caro
Répondre
P
ben oui quoi, des histoires, des histoires!!
Répondre
L
Toc toc ! Dis donc, t'as vu l'heure ? plus de nouvelle de toi depuis ce texte ? Comment vas-tu ?
Répondre
C
la passion, pour moi, c'est un peu le parfum de la vie, sans passion, on peut vivre, mais c'est fade...<br /> bonne fin de semaine à toi
Répondre
N
Je suis une fan du moyen-âge aussi, par contre le rugby, ce n'est pas mon truc... Qu'importe, "la passion est encore ce qui aide le mieux à vivre" écrivait Emile Zola ... Je suis sûre que tu seras d'accord avec moi !<br /> Je te fais une grosse bise Alain<br /> N
Répondre